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SCHOOVAERTS Laurent Diegem

, par Michel Possoz

Nationalité : Belge

Tu as joué ton dernier concert en septembre 2008 mais je tiens malgré tout à faire une interview de toi dans notre ster’mania. Comme le dis le dicton, mieux vaut tard que jamais…

 Ster : Où et quand commenças-tu à jouer de la musique ?
J’ai commencé le solfège à l’âge de 8 ans à l’académie de Evere où papa donnait cours de clarinette, et dois avoir commencé un instrument 6 mois plus tard chez Mr DEVLEESCHOUWER, qui en plus d’être collègue de papa à l’académie, venait de temps en temps renforcer les rangs de la Ster.

Ster : Pourquoi et comment avoir choisi le tuba ?
Dans un premier temps je voulais suivre les traces de mon père et mon grand-père et apprendre la clarinette. Papa avait déjà acheté l’instrument. Mais lors d’une conversation un midi à table, papa lâcha bêtement qu’il y avait à ce moment là une pénurie de tuba. Il n’en fallut pas plus pour que du jour au lendemain je changeai d’avis et voulu commencer le tuba.

Ster : Jouais-tu également d’un autre instrument ?
Non, si ce n’est que j’ai d’abord, sous conseil de mon premier professeur, commencer 6 mois la trompette car selon lui à 8 ans mes poumons étaient trop petits pour directement jouer du tuba. Ensuite j’ai joué quelques années le baryton (sur l’instrument du papa de Pierre DESNIJDER) avant de passer vers mes 12 ans définitivement au tuba.

Ster : Depuis quand jouais-tu chez nous, et comment es-tu arrivé chez nous ?
Je dois avoir rejoins la Ster vers mes neufs-dix ans après +/- six ou sept mois de cours d’instrument. Je ne crois pas que je doive m’attarder trop longtemps sur le comment j’y suis atterri. Mr DEVLEESCHOUWER, mon professeur y jouait, mon grand-père était un de pilier et le chef n’était autre que papa. La route était donc toute tracée.
Pour ceux qui se souviennent, j’étais au départ assis entre « Jef zot » et François Van Tuycom, mais bien vite Gilbert, qui jouait alors encore du tuba, me prit près de lui pour m’éviter de couler et me montrer sans arrêt où on était dans le morceau. Je ne sais également le nombre de fois qu’il dû me rappeler de vider mes coulisses. C’était ma spécialité…

Ster : Comment vivais-tu le stress que dégage notre chef durant les dernières répétitions avant un grand concert ou le concert de fin d’année ?
Je pense que tous les musiciens ressentent le stress du chef avant les grands événements, mais personne ne peut le ressentir comme Philippe, Valérie, maman ou moi. Avant chaque grand concert, il a besoin de ses repères, son « clan » autour de lui. Il faut lui ménager la tâche pour qu’il se sente bien. Préparer ses conducteurs, les déposer sur son pupitre, voir que tout est en ordre pour tous ses musiciens, que les chanteurs ou chanteuses soient chouchoutés, lui apporter une collation sans quoi il oublie de manger…
Pour papa, ses musiciens sont ses dieux, ses enfants. Il faut que tout soit parfait pour eux. A chaque concert ou répétitions, il faut qu’ils soient dans les meilleures conditions. Et qui devait veiller à cela ??? Maman et moi-même essentiellement. Combien de fois quand un musicien n’avait plus sa partition d’un morceau qu’on jouait depuis 10 ans, papa ne se retourna pas sur maman ou moi-même avec ses moustaches froncées en nous rejetant la faute. Entre nous on appelle ça « faire sa vieze stach ». Mais même si au moment on a envie de l’envoyer sur Mars, on sait très bien que ce n’est dû qu’au stress du moment et que jamais il ne nous en a voulu pour quoi que ce soit et qu’il nous est reconnaissant pour tout ce qu’on fait. On excuse donc et on encaisse.
Et puis quand on voit toutes ses qualités de chef d’orchestre, on peut bien lui accorder cette faiblesse.

Ster : Jouais-tu également dans un autre groupe ?
J’ai toujours suivi papa partout. J’ai joué de nombreuses années à Haren au Brussels Concert Band , à Humbeek et à Vilvorde avec lui. Mais depuis quelques années, je ne le suivais plus qu’à la Ster, faute de temps. Je donnais encore de temps en temps un coup de main à Humbeek quand il en avait plus envie que besoin pour son grand concert de février mais c’est tout.
Sinon exceptionnellement j’allais aider mes amis Gérard et Ludo à Beigem quand ils en avaient besoin mais c’était juste en renfort.
Mais je n’ai jamais réellement joué dans un autre orchestre qu’un orchestre dirigé par papa. J’ai joué quelques fois sous la baguette d’autres chefs, mais jamais je n’ai retrouvé le plaisir que j’avais à jouer sous la direction de papa. Tout comme mon frère Philippe, on le connait par cœur. On n’a pas besoin de le regarder pour savoir ce qu’il veut. Et puis son professionnalisme tout en restant travailler avec des amateurs, sa connaissance de la musique, le niveau qu’il parvient à tirer de chacun… C’est unique.
J’avais toujours dit que j’arrêterais la musique le jour où lui arrêterait car je ne me voyais pas jouer sous un autre chef. Malheureusement je pense qu’il n’arrêtera jamais et donc j’ai dû le faire avant lui.

Ster : Quel style de musique écoutes-tu ou jouais-tu de préférence ?
Dans la vie de tous les jours j’écoute tout style de musique ou de chanteurs mais je dois avouer que j’ai quand même un faible pour les chanteurs d’avant mon époque comme Aznavour, Piaf, Sardou, Anne Christy, … En fait la musique que j’ai toujours entendu et joué dans les orchestres de papa.

Ster : Tu as deux fils et deux filles, vont-ils suivre les traces de leur père ou grand-père en musique ?
Je ne pense pas. Dès leur naissance, je me suis promis de ne jamais les forcer à faire de la musique. S’ils le souhaitent, pas de problème, je les accompagnerai, mais ils doivent avant tout faire ce qu’eux veulent. Mais quoi qu’ils fassent, je veux qu’ils ne le fassent pas à la légère mais qu’ils s’impliquent réellement dans ce qu’ils font comme moi je me suis toujours impliqué dans la Ster. Et cette surcharge de travail je ne pouvais pas leur imposer en les obligeant à apprendre la musique.
Les garçons sont branchés foot, Mégane la danse et Lara est branchée biberon. De quoi donc bien charger mes journées et mes week-ends, d’où ma décision de devoir arrêter la musique.

Ster : Ta fonction dans l’orchestre ne se limitait pas à la musique, peux-tu expliquer ce que tu faisais et qui t’a initié à tout cela ??
J’étais un des trop peu nombreux « homme à tout faire » de l’orchestre. A côté de jouer, il fallait transporter le matériel, monter la scène, démonter la scène, s’occuper de la bibliothèque, des fardes des musiciens, encadrer papa…
Lors des fêtes comme « Stoemp à Gogo » ou « week-end carbonnades », j’étais aussi chaque fois de la revue comme le reste de la famille. Faire les courses, vider la cave et apporter à la fermette, mettre la salle, servir et puis tout démonter généralement à 4 ou 5 personnes seulement… Ces week-ends là généralement commencent le vendredi pour ne se terminer que le dimanche très tard. Dans ces moments là, souvent on se demande pourquoi on le fait.
Lorsque j’étais petit, c’est mon grand-père qui faisait tout ça. Il était bibliothécaire de l’harmonie et en plus de cela s’occupait de mettre les chaises et les pupitres tous les mercredis avant les répétitions et les jours de concert. Il était toujours le premier et le dernier à travailler. Dès que j’ai rejoint la Ster, je suis devenu son assistant. Tous les mercredis, il venait me chercher à l’académie de musique à 18h et on partait ensemble à la Ster préparer la scène et distribuer les nouveaux morceaux dans les fardes des musiciens. Pendant les week-ends ou les congés scolaires, on cachetait les nouveaux morceaux avec le cachet du Ster pour que si une autre harmonie voulait les photocopier, tout le monde pouvait voir que ça venait de chez nous… Qu’est-ce qu’il était fier de sa bibliothèque. C’était nos moments et nos plaisirs à nous.
Quand pour des raisons de santé il a dû petit à petit diminuer puis arrêter, je me suis juré de ne jamais le décevoir et continuer ce qui le tenait tellement à cœur aussi longtemps que je le pouvais. C’est cette promesse qui m’a permis de continuer si longtemps à le faire, malgré l’augmentation continue du travail vu qu’entre temps, la petite harmonie était devenue un grand orchestre, que le matériel se faisait de plus en plus nombreux et lourd et que les fardes étaient passées de 10 morceaux à plus d’une centaine de morceaux.
Lorsque j’ai soufflé ma dernière note en septembre sur la Grand-Place, c’est à lui que j’ai pensé et c’est à lui que je l’ai dédiée.

Ster : ce surplus de travail a-t-il guidé ton choix d’abandonner la musique ?
C’est clair que le temps pris par tout ce travail y est pour quelque chose. Mais jamais je n’aurais pu continuer à jouer de la musique sans continuer à me donner à 200% pour la Ster. Ce travail faisait partie de ma musique. L’un n’aurait jamais été sans l’autre.
Mais je pense que plus que le travail en lui-même, c’est surtout le manque de reconnaissance et d’aide qui m’a petit à petit dégoûté et découragé. Combien de fois je ne me suis pas offusqué de voir après une répétition ou un concert que des personnes d’un âge respectable comme Fernand, Georges ou notre président devaient aider à tout démonter alors que les jeunes de l’orchestre discutaient dans la salle. Comment accepter qu’une femme de plus de 50 ans doivent aider à charger la remorque et porter des bacs de pupitre de plus de 100 kilos pendant que certains regardent et discutent en ne portant que leur verre de bière !!
Lors des grands concerts comme ceux de fin d’année on commence généralement à construire et habiller la scène vers huit heures du matin. Quand les musiciens arrivent vers 18h, ils n’ont plus qu’à s’assoir sur leur chaise et jouer leur concert. Et malgré cela, alors que quelque part ces quelques bénévoles qui se sont donnés toute la journée et sont crevés espèrent juste un merci, à la place de cela ils reçoivent trop souvent les plaintes de l’un ou l’autre comme quoi pas assez de place pour s’assoir, trop de lumière dans les yeux, trop caché du public… Un des seuls musicien à être un jour venu vers moi pour me prendre dans ses bras et me dire MERCI c’était Constant Jamotte lors d’un concert de fin d’année. Jamais je n’oublierai cela et souvent j’y ai repensé lorsque le ras-le-bol me rattrapait. C’est pour de telles choses malheureusement trop rares qu’on le fait.

Ster : Ton dernier concert était celui de la Grand Place en septembre 2008, était-ce une décision facile à prendre ?
Ce n’était certainement pas facile à prendre mais ce n’était certainement pas sur un coup de tête. Déjà depuis 1 an, il devenait difficile de combiner vie familiale et la Ster. Les entrainements de foot des garçons, les matchs le week-end, la danse de la petite et puis encore à côté de cela encore le Ster ne me laissait plus assez de temps à consacrer à ma compagne. Lors de la naissance de ma dernière fille en août, je me devais de prendre cette décision.
Même si c’était réfléchi de longue date, il n’était certainement pas facile de faire le pas et de quelque part « abandonner » papa. Pour lui, la musique c’est sa vie et elle passera toujours avant tout le reste. Il n’était donc pas évident de le lui annoncer. Mais j’ai connu 25 merveilleuses années sous sa direction et je ne voulais certainement pas faire l’année de trop. Jamais il n’a critiqué ma décision et je l’en remercie.
Mais je voulais finir en beauté et terminer avec un des concerts qui me tenait le plus à cœur. Les concerts de la Grand-Place ont toujours eu une saveur spéciale que ce soit avec la Ster ou par le passé avec le Brussels Concertband. Qui peut se vanter d’avoir pu jouer je ne sais combien de fois sur une des plus belles places du monde devant une foule de deux trois milles personnes. Des souvenirs inoubliables. Il n’y avait pas meilleure place pour tourner définitivement la page.

Ster : Toujours présent malgré tout lors de grands concerts comme fin d’année et ce 13 juin dernier te font-ils regretter ta décision d’avoir arrêter le tuba ?
Généralement lorsque je prends une décision, je regarde par après très rarement en arrière. J’ai pris ma décision, je l’ai réfléchi et donc pas de place aux regrets. La musique a occupé 25 ans de ma vie. Il était temps de commencer autre chose et de me consacrer à ma famille et à ma première passion : mes enfants.

Ster : y-a-t-il un message que tu voudrais faire passer aux membres de l’orchestre ?
Je pense que l’interview est remplie de message que je voudrais faire passer aux musiciens.
D’abord je voudrais remercier tous les anciens qui m’ont accueilli à la Ster il y a 25 ans et qui m’ont encadrés et permis de devenir le musicien que je suis devenu. Il est toujours délicat de citer des noms et n’oublier personne mais je tenais quand même à remercier Gilbert, Pierre De Snijder, Monique, Pepi et Fernand pour m’avoir toujours pris à côté d’eux les mercredis soirs depuis mes débuts et appris ce qui ne s’apprendra jamais à l’académie, la vrai musique…
Ensuite j’aimerais vraiment faire un appel aux jeunes de l’orchestre et leur demander sincèrement d’aider le plus possible le trop peu de bénévoles de l’orchestre. Si tout le monde consacre après chaque répétition ou concerts 5 minutes de son temps à aider à déblayer la scène, charger la remorque, etc.… les habitués seront vraiment aidés et ils auront eux aussi la chance de pouvoir boire un verre à l’aise.
J’aimerais aussi remercier la Ster de m’avoir donné la chance d’en faire partie aussi longtemps. Jamais je ne saurais oublier toutes ces années mais surtout les merveilleux moments partagés avec mon grand-père avant son décès.
Mais pour terminer je me dois de souligner la chance qu’à la Ster d’avoir un chef comme elle a. C’est peut-être parce que c’est mon père, mais j’ai fréquenté 25 ans le monde des harmonies et rarement, voir jamais, je n’ai connu un chef aussi professionnel, doué, proche de ses musiciens et capable de tirer de chacun le meilleur. Ce n’est pas un hasard si autant au Brussels Concerband, à Humbeek et à la Ster il est parvenu à transformer à chaque fois une harmonie de 15-20 musiciens en des orchestres dont beaucoup sont jaloux et ne peuvent que rêver. Pour y arriver, il a à chaque fois tout donné. Je suis fier d’avoir pu apprendre la musique à ses côtés.

Il est difficile en temps que mère de celui que j’interview de rester neutre, mais je voulais te remercier pour ces 25 années de ta jeunesse que tu as consacrées à la musique, à la « Ster », et à seconder ton père dans le tourbillon de sa vie. Ta dernière note tu l’as dédiée à ton grand-père et sache que de la haut il est très fier de ses petits enfants. Je sais également que nous pouvons toujours compter sur ton aide.
Je te souhaite également le plus grand bonheur du monde avec Evi et toute ta petite tribu et sache que de la haut 2 étoiles vous protègent.

P.-S.

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